Le monde de la nuit. Un monde magnifique, merveilleux, où les maîtres-mots sont silence et discrétion. C’est dans ce monde que les vrais rois se réveillent, ceux qui vivent de jour, cachés, et de nuit, vraiment. C’est aussi dans ce monde que les drogués se manifestent. Les drogués, ainsi que les drogueurs.

Un tigre d’un mètre bondit d’un toit à l’autre, se réceptionnant sans le moindre bruit à l’endroit exact où il voulait atterrir. Il continua son chemin, bondissant de toit en toit, éclair orangé dans une nuit noire. Il avait rendez-vous, quelque part, avec quelqu’un, pour s’en mettre encore plein les poches. Il ... Ou elle ? Car oui, le tigre qui saute de toit en toit est bel et bien une demoiselle, nommée Aileen. Dealeuse professionnelle, à la tête d’un joli petit réseau, meurtrière pas encore recherchée par la police, ancienne prostituée, voleuse, pickpocket, kleptomane ... Et sacrément mignonne. Un joli bout de femme aussi dangereuse que du cyanure. Le tigre, d’un souple bond très gracieux, atterrit au sol, se réceptionna, et repartit en marchant, sa longue queue battant l’air de droite à gauche, ses pattes se posant avec douceur sur le sol boueux, les effleurant à peine. Le félin tourna dans une ruelle, sa silhouette se troubla, et une jeune fille pâle aux cheveux roux apparut, rabattant son manteau sur ses frêles épaules, cachant du même coup l’arme à feu, les couteaux à lancer, le poignard, le coutelas et le long katana qui l’armaient. Elle s’arrêta de marcher, s’appuya à un mur et attendit, patiente. Pas bien longtemps puisqu’un homme arriva d’en face, bien plus grand qu’elle, qui la regardait avec méfiance autant qu’elle le regardait avec neutralité. Elle ne bougea pas, et après un soupir il consentit à s’approcher avec beaucoup de méfiance.

« Est-ce que tu l’as ? »
« Tout dépend de ce que tu cherches, mon trésor. »
« Les barrettes. »
« Ah ! »

Aileen se décolla de son mur, et de sa démarche féline, s’approcha de l’homme, s’amusant de voir le trouble apparaître brusquement chez lui. Elle s’arrêta face à lui, souriante, et leva la tête, assez proche pour qu’il lui mette un coup de poignard. D’un geste rapide, il sortit l’argent qu’elle rafla avec rapidité, puis s’éloigna d’un pas négligent. Puis elle lui envoya la drogue convenue d’un geste toujours aussi négligent, et le regarda tourner le dos et s’éloigner d’un pas vif. Son sourire devint un rictus, et elle lâcha un ricanement moqueur. Les drogués font ses richesses. D’un bond, elle attrapa une poutre, se retourna et atterrit sur le toit, puis se transforma en tigre et recommença sa course folle, bondissant de toit en toit pour atteindre celui qu’elle jugeait le plus haut, le plus près du ciel, du chant des étoiles, de la fraîcheur de la nuit sur ses bras nus tendus vers les cieux. Arrivé sur ledit toit, elle redevint la jeune rousse qu’elle n’avait jamais cessé d’être, et leva la tête vers les étoiles. Le vide s’empara de son esprit, de même que la sérénité.

Jusqu’à ce qu’un bruit la détourne des lumières brillantes. Elle se tourna brusquement, quatre griffes polies sortant de ses phalanges. S’accroupissant légèrement, ses yeux tournèrent au fauve, deux fentes apparaissant très rapidement, tandis qu’elle regardait dans l’obscurité. Puis quelque chose apparut, qui la fit sourire. Ses yeux redevinrent normaux, elle se redressa, ses griffes rentrant sagement dans ses mains.

« Tiens, qui voilà, une grosse bête. Comment vas-tu, ma peluche ? »

[ Court >.< Et désolée mais je passe à la première personne, ça fait trois mois que j'écris plus que comme ça ^^".]

Qui donc venait, en faisant autant de bruit qu’un loup marchant sur les toits ? Eh bien, un loup marchant sur les toits bien sûr ! Le loup redevint bien vite un homme, franchement canon dans son genre, qui daigna répondre à ma pique ironique. En ajoutant qu’il avait faim. Même, une bête affamée ! Je réagis au quart de tour, en m’approchant de lui de ma démarche féline, un sourire mutin commençant à apparaître sur mon visage parfaitement humain, excepté les deux yeux où deux fentes animales apparaissaient. Je posai délicatement mes deux mains sur mes épaules, pour m’approcher finalement de lui, tout prêt. Trop, peut-être ? Mais il était le seul avec qui je pouvais faire cela sans que ça tourne à l’ambiguité, parce qu’on connaissait nos sentiments respectifs. Lui avec son humaine, moi ... Très certainement homosexuelle.

« Il faut te nourrir, si tu as faim, beau mâle ... »

Sous-entendu fort explicite. Si non, achetez-vous un dictionnaire, ça urge. J’approchai doucement mon visage du sien ... Et je reculai d’un pas, le poussant du bout des doigts. Ah, la salope. C’est tellement drôle. Je me campai face à lui, mettant mes mains dans mon dos, l’observant fixement. Il semblait extérieurement normal, mais extérieurement ? Je le connaissais très bien, de ce qu’il avait voulu me dire. Il était la seule personne à qui j’avais, pour le moment, ouvert mon cœur. Je penchai légèrement la tête, l’observant avec beaucoup de profondeur. Comme si c’était si difficile à savoir, voyons !

« Tu penses encore à cette Hélie ? »

Je changeai de pied d’appui, le regardant toujours avec sérieux. Quelle drôle d’histoire que la sienne quand même. Amoureux d’une humaine qui, à en croire ce qu’il disait, l’aimait aussi, il se refusait à l’approcher, à l’aimer, parce qu’elle était humaine. Et qu’il avait peur de lui faire du mal, car lui ne l’était pas, humain. On aurait pu écrire un bon roman dégoulinant de niaiserie là-dessus, où après bien des péripéties, la pauvre héroïne qui aime passionnément son monstre, réussit elle-même à en devenir un, et ils s’aiment jusqu’à la fin de l’éternité, qui n’arrivera jamais puisqu’il n’y a ni début ni fin pour l’éternité. Ah, ça existe déjà ? Mince, moi qui voulais gagner plein de pognon sur le dos des crétines pré pubères fanatiques de ce genre de conneries. Dommage.

« Je me mêle de ce qui ne me regarde pas, tu vas m’envoyer bouler, je m’en fous, mais je te dis quand même que si vous vous aimez, c’est franchement débile que vous vous acharniez à vous séparer ainsi. On n'a qu'une vie, autant en profiter au lieu de la foutre en l'air ... »

... M’enfin, je dis ça je dis rien moi hein !